Grandes jorasses

Glisseur bas au sommet des Grandes Jorasses.

A l’origine, nous avions envie de faire une belle voie d’alpinisme sur les Grandes Jorasses et de redescendre en sautant. Nous avions pensé à la face nord, avec le mythique éperon Walker, mais nous ne sommes pas assez en forme et il faut l’avouer, la voie impressionne. On se dirige donc sur la belle traversée des Grandes Jorasses, une belle arête de près de trois kilomètres culminant à près de 4000m d’altitude. Cette arête nous fera passer par 7 sommets de plus de 4000m (Mais seulement 5 compteront pour le projet, les deux autres seront refaits dans une autre sortie).

Le saut depuis la pointe walker a été ouvert en Juin 2014 par Pierre Fivel et Francois Gouy. Ce magnifique saut de près de 200m de haut (dans une face de plus de 1000m !) est régulièrement répété par les paralpinistes volant en wingsuit, mais n’a (à ma connaissance) jamais été réalisé en glisseur bas. Ce sera donc un objectif de choix pour notre cordée.

En ce début du mois de septembre, Jamie (aka Captain Manicorn) et moi décidons de nous encorder avec Valentin Bury, un collègue de travail qui souhaitait lui aussi réaliser cette course. Il prendra son petit parapente monosurface (Une VRILONE 14m2 de chez Vrilwing) pour descendre depuis le sommet. C’est un fort grimpeur et un bon alpiniste, l’avoir avec nous sera sans doute un atout !

C’est donc après une minutieuse préparation que nous montons dans le skyway jusqu’au refuge Torino, à 3375m d’altitude. Notre objectif est de réaliser la course en une journée, d’arriver vers 19h au sommet des Grandes Jorasses et de sauter et voler pour redescendre, mais lorsque l’on arrive au refuge et que l’on check la météo, on se rend compte que tout ne va pas se passer comme prévu.

La masse d’air est plus turbulente que prévu, et va provoquer de lourds cumulus sur l’arête avec potentiellement quelques petits orages. Mais en montagne, surtout quand on veut sauter, il n’y a pas de PETITS orages. Nous analysons plus longuement la météo et nous trouvons une petite fenêtre de tir pour un saut le surlendemain, vers 10h. Nous faisons le point de notre matériel, initialement prévu pour une journée, et après quelques achats au refuge nous décidons de nous lancer dans l’ascension sur deux jours, coupée par une nuit au bivouac Canzio, au pied de la pointe Young.

Le lendemain matin, vers 7h, nous partons donc pour la traversée des arêtes de Rochefort. Nous passons au pied de la dent du géant et nous partons vers le premier sommet. Nous évoluons la plupart du temps sans la corde, l’arête étant en très bonnes conditions, nos marges techniques étant bonnes, nous assurer sur cette arête ne pourrait que nous ralentir. Nous remettons la corde lors de la partie mixte avant le Dome de Rochefort, portion où nous croiserons une autre cordée. Nous enchaînons les quelques rappels et nous arrivons au bivouac Canzio vers midi.

La cordée que nous avions doublée arrive au Bivouac et nous leur proposons de prendre leur corde et d’aller fixer les deux premières longueurs, cela nous fera gagner du temps et de l’énergie à grimper dans la nuit, car nous partons le lendemain matin à une heure du matin. Dans la nuit et la soirée, nous assistons à un petit orage et quelques averses de grésil. Notre choix de partir sur deux jours était le bon !

Nous partons très tôt pour être sûr de saisir le créneau météo pour le saut. Nous enchaînons les longueurs de grimpe de la pointe Young, nous menant à la pointe Marguerite où nous doublons quelques cordées qui avaient bivouaqué sur l’arête. Ils nous confirment avoir pris quelques averses, mais rien de bien méchant.

Puis, à la lueur du soleil qui se levait, on se trouve sur l’arête à enchaîner le sommet des pointes Marguerite et Hélène. C’est sur la pointe Croz que Valéry Rozov avait ouvert le premier saut en 2006 ! Nous passons cette pointe et nous dirigeons vers la Pointe Whymper, dernier bastion rocheux avant le sommet principal des Grandes Jorasses ! Nous remettons les crampons et nous lançons sur la pente de neige nous menant au sommet des Jorasses.

Au sommet, nous faisons un rapide tour d’horizon et nous checkons les conditions pour nos descentes respectives. Les conditions sont parfaites pour Valentin et son parapente, il n’y a absolument aucun vent. La pente est raide et le décollage va être aisé. Nous lui tenons la voile afin qu’elle évite de glisser sur la neige. Il se lance et s’envole, quittant la pointe Walker à 4208m pour rejoindre la civilisation, près de 3000m plus bas.

Avec Jamie nous partons pour rejoindre notre Exit, surplombant la face Nord. Sur ce sommet il existe deux exit : Le premier, l’exit original se trouve en contrebas du sommet, sur une petite plateforme accueillante. Cet exit est certes accueillant mais il est aussi moins haut avec une vire de presque 12m d’avancée située 60m sous les pieds. Le second beaucoup plus difficile d’accès nécessite une descente en deux rappels sur une toute petite plateforme étroite, mais ce dernier est beaucoup plus raide. Nous choisissons de nous rendre sur le deuxième, me permettant de sauter à la main.

Les nuages sont très présents et nous devons nous hâter de sauter avant qu’ils ne bouchent notre trajectoire. Nous nous pressons un peu mais nous devons rester concentrés pour ne pas faire d’erreur en nous équipant. Peu avant de descendre en rappel, nous procédons aux vérifications habituelles : pliage de l’extracteur, passage de la drisse, boucles de serrage, sangle de poitrine mais également au rangement du matériel. Nous démontons nos piolets pour les ranger le long de nos jambes, et nous plaçons le reste du matériel là où il y a de la place. Dans ma sacoche ventrale et dans la wingsuit. Puis nous descendons en rappel vers l’exit. L’exit est si petit que Jamie doit attendre 30m plus haut pour m’observer.

Je suis au bord du vide, dans la face nord des Grandes Jorasses, l’extracteur soigneusement plié dans la main et je commence mon décompte. 3.. 2.. 1.. et BASE ! Je pousse solidement sur mes jambes et jette mon extracteur qui se gonfle et vient tirer ma voile après quelques secondes. Je saisis mes commandes et me laisse glisser vers le col des hirondelles que je passe avec une bonne altitude. Puis je passe à droite de l’Aiguille de Tronchey pour prendre une ligne plus directe vers la vallée. Il y a pile poil quelques trouées de nuages sur mon itinéraire et j’espère qu’elles vont rester là pour le saut de Jamie.

Une dizaine de minutes plus tard, j’attéris en Italie à Planpincieux. Valentin me rejoint avec Sandra, la femme de Jamie. Nous levons les yeux au ciel dans l’espoir de voir rapidement Jamie. Puis après quelques minutes nous paraissant des heures, nous voyons un écureuil géant vert et rose voler vers nous. Il ouvre son parachute avec une grande marge et vient se poser à côté de nous !

Quel soulagement de retrouver toute l’équipe à l’atterrissage, saine et sauve, la tête pleine de souvenirs de cette aventure épique ! Maintenant, direction le restaurant de La Pallud pour une délicieuse pizza !

5 sommets viennent donc s’ajouter au total du projet !